L’IA générative : un bouleversement anthropologique et ses risques sur l’identité humaine

Inspiré de l’émission « La Terre au carré » du 1er décembre 2025
Une révolution anthropologique sans précédent
L’adoption massive des intelligences artificielles (IA) génératives ces dernières années marque un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité. Au-delà des avancées technologiques, cette évolution soulève des questions profondes sur les conséquences de leur utilisation à tous les niveaux de nos sociétés. Parmi les enjeux les plus critiques : les risques pour l’identité humaine elle-même.
Pour en débattre, l’émission La Terre au carré a reçu Éric Sadin, philosophe spécialiste des technologies numériques et auteur de l’ouvrage « Le Désert de nous-mêmes : Le tournant intellectuel et créatif de l’intelligence artificielle » (éditions L’Échappée). Selon lui, l’essor des IA génératives est l’aboutissement d’un long processus historique qu’il qualifie de « déprise de nous-mêmes ».
La « déprise de nous-mêmes » : une dépossession progressive
Éric Sadin décrit une externalisation croissante des activités humaines, initiée avec la révolution industrielle et amplifiée par la société de consommation de la seconde moitié du XXe siècle. Aujourd’hui, avec l’émergence des IA génératives, ce phénomène atteint un stade potentiellement irréversible.
Le 30 novembre 2022 marque un tournant décisif : le lancement de ChatGPT, premier modèle capable d’interagir naturellement avec le langage humain. Pour la première fois, une technologie externalise des aptitudes jusqu’alors exclusivement humaines : la réflexion, la créativité, et même la production culturelle.
Deux changements fondamentaux instaurés par l’IA générative
Un langage schématique et mathématisé L’IA impose un langage standardisé, conforme et normé, qui affaiblit nos capacités à penser librement. En déléguant la réflexion à des algorithmes, nous risquons de perdre notre autonomie intellectuelle et notre capacité à formuler des idées originales.
Une crise de la perception et de l’apprentissage La production instantanée d’images, de vidéos ou de musiques sur simple instruction dénature le processus culturel. L’apprentissage par l’effort, l’erreur et la découverte est remplacé par une consommation passive de contenus générés, ce qui menace notre rapport au savoir et à la création.
Un impact majeur sur le monde du travail
L’IA générative accélère l’automatisation intégrale des tâches, y compris celles nécessitant des compétences cognitives élevées. Des métiers entiers, autrefois considérés comme à l’abri de la robotisation, sont désormais menacés. Les employés voient leurs rôles remplacés par des outils capables de reproduire — voire de surpasser — leurs performances intellectuelles.
Pour Éric Sadin, cette démocratisation de l’IA pose un risque majeur : une société où la facilité intellectuelle, entretenue par les machines, conduirait à un conformisme généralisé et à une incapacité à penser par soi-même.
Un appel à la vigilance collective
Face à ces enjeux, le philosophe insiste sur l’urgence de regarder la vérité en face. Il ne s’agit pas de rejeter les avancées technologiques, mais de questionner leur place dans nos vies et de préserver ce qui fait l’essence même de l’humanité : la capacité à créer, à douter, et à penser librement.
Pour aller plus loin :
Écoutez le podcast de La Terre au carré, "IA générative, histoire d'une dépossession annoncée" (38mn) ou regarder la vidéo de l'émission
Lisez « Le Désert de nous-mêmes » d’Éric Sadin (éditions L’Échappée).
A écouter aussi "Intelligence artificielle : résister ou s’abandonner ?"
Signer le manifeste "Face à l’IA générative, l’objection de conscience" (Manifeste de l'Atécopole de Toulouse pour l’enseignement supérieur et l’Education Nationale).
Et vous, comment percevez-vous l’impact de l’IA générative sur votre quotidien et votre identité ?
Une discussion à poursuivre, sans doute…
